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Le 27 mai 2024 sera inaugurée, rue du Sergent-Bories à Villefranche-de-Rouergue, la nouvelle plaque dédiée aux Juifs déportés du Villefranchois, incluant des précisions et des rectifications par rapport à la première plaque qui avait été posée le 23 octobre 2012 au même endroit.

plaque des déportés des Juifs Villefranche-de-Rouergue
La nouvelle plaque inaugurée le 27 mai 2024

La création et la pose de cette plaque ont été rendues possibles par les recherches de Simon Massbaum, président de l’association pour la Mémoire des déportés Juifs de l’Aveyron. Un travail qui a permis de retracer précisément la vie de ces personnes, et qui a fait l’objet du livre-monument « Aveyron-Drancy-Auschwitz ».

Toutes ces personnes ont pour point commun d’être passées par le bassin villefranchois. Elles y ont séjourné ou habité durant quelques jours, quelques mois, parfois plus. Certaines pour rejoindre des proches ou des connaissances, car dans les années 1930, quelques Juifs s’étaient installés rue de la République pour y tenir commerce. D’autres y ont été transférées, retenues, voire emprisonnées.

Il y a ceux qui ont exercé dans la bastide en tant qu’artisans fourreurs, tailleurs ou marchands de vêtements, ceux qui ont travaillé pour des manufactures ou des fermes de la région. Certains ont été assignés à résidence dans des hôtels de la ville, l’hôtel des Colonnes, l’hôtel Terminus ou le Grand Hôtel Moderne. Des enfants, tels Egon et Herbert STOCKI, ont été scolarisés dans les écoles de la ville.

A la lecture des archives et des récits de ces vies, on ne peut qu’être frappé par les familles éclatées, les transferts incessants, de camp de rétention en camp de transit, la fuite permanente, l’attente d’une solution, l’inquiétude grandissante qui se dégage des lettres échangées entre membres d’une même famille, à laquelle ne répond que la froideur et l’inhumanité d’une administration qui rejette systématiquement les demandes de régularisation et de visa.

Ces hommes, ces femmes, ces familles ont, peu à peu, tout perdu, d’abord leurs attaches, leur travail, ensuite leurs économies, leurs proches jusqu’à leur conjoint et leurs propres enfants.

L’histoire des 25 Juifs déportés de Villefranche

Il y a d’abord Selig ADLER, réfugié chez des parents rue de la République, arrêté alors même qu’il avait servi dans l’armée française. Déporté le 27 mars 1942, par le premier convoi de Juifs parti de France, il sera assassiné en chambre à gaz à Auschwitz le 9 avril 1942.

Il y a Samuel ALTBERGER, Juif  allemand né en 1912, réfugié à Villefranche-de-Rouergue pour ne pas avoir à intégrer les rangs de l’armée de son pays. Arrêté par les gendarmes, il est déporté à Monowitz où il travaillera comme esclave dans les mines de charbon situées au nord du camp. Il sera évacué par les SS lors des marches de la mort à Buchenwald. Libéré par les Américains et soigné en Hollande, il émigrera aux Etats-Unis. Il mourra à Dallas en 1989.

Il y a Maurice BLUMENBERG, artisan horloger-bijoutier à Paris, qui se réfugie à Villefranche-de-Rouergue avec son fils André, au 27 avenue Etienne-Soulié. Arrêté, il sera lui-aussi déporté à Auschwitz, subira les marches de la mort, puis sera encore utilité tel un bagnard dans une usine de matériel militaire. Il mourra d’épuisement 5 jours avant la libération.

Il y a Laja BORENSZTAJN née en 1917, d’origine polonaise, membre des Eclaireurs israélites de France, arrêtée en 1940 alors qu’elle accompagnait des enfants juifs lors d’un séjour en Aveyron. Après être passée de camp d’internement en camp d’internement, elle est déportée à Auschwitz, d’où elle ne reviendra pas.

Il y a Marguerite BAS et sa fille Rébecca née en 1920, d’origine hollandaise, en fuite après l’invasion de la Belgique. Réfugiées à Villeneuve-d’Aveyron chez un éleveur de chevaux, elles ont été arrêtées dans un autre département au printemps 1943 et transférées à Romainville puis Drancy, avant d’être déportées à Auschwitz. Seule Rébecca survivra à la terrible marche de la mort consécutive à l’évacuation du camp.

Rébecca BAS, Juive déportée
Rébecca BAS. Photo issue de l’ouvrage de Simon MASSBAUM, AVEYRON-DRANCY-AUSCHWITZ, AMDJA/FFDJF, 2022; page 514

Deux membres de cette même famille, Alexander et Rafael GOUDEKETTING né en 1916, sont eux-aussi passés par Villeneuve pour travailler en tant qu’ouvriers agricoles. Arrêtés puis internés, ils seront finalement déportés au centre de mise à mort de Sobibor en Pologne, où cinq jours après leur arrivée, ils seront gazés le 11 mars 1943.

Rafael GOUDEKETTING, juif déporté
Rafael GOUDEKETTING. Photo issue de l’ouvrage de Simon MASSBAUM, AVEYRON-DRANCY-AUSCHWITZ, AMDJA/FFDJF, 2022; page 515

Il y a Marcel LILIENTHAL né en 1922, réfugié à Bruxelles, raflé par la police belge, puis déporté dans un camp du sud de la France. Evadé, il est rattrapé par la gendarmerie à Labastide-L’Evêque. Il passera par de nombreux camps de transit avant d’être déporté à Auschwitz, sans retour.

Il y a Jakub MAJER né en 1905, engagé comme volontaire dans l’armée tchécoslovaque reconstituée en France. Démobilisé à Agde, il fait l’objet avec les autres membres de sa famille d’un ordre d’internement. Il est transféré à Villefranche-de-Rouergue et assigné à résidence à l’hôtel des Colonnes. En 1943, il est arrêté à son hôtel par la gendarmerie, et déporté au camp d’extermination de Sobibor, où il sera assassiné.

Jakub MAJER, Juif déporté
Jakub MAJER et sa famille. Photo issue de l’ouvrage de Simon MASSBAUM, AVEYRON-DRANCY-AUSCHWITZ, AMDJA/FFDJF, 2022; page 498

Il y a la famille MALACH et ses quatre enfants, tous nés en France. Le père, combattant dans un régiment de volontaires étrangers, est démobilisé après la débâcle. Il est interné à Septfonds, puis est assigné à résidence à Villefranche-de-Rouergue, au 1 rue de la République. Son épouse et ses enfants le rejoignent, mais finissent pas retourner à leur domicile de Villepinte. Là, ils seront raflés, transférés à Drancy puis déportés dans l’enfer d’Auschwitz en Pologne. La maman et les quatre jeunes enfants seront immédiatement gazés. Le père, resté à Villefranche, est arrêté quelques mois plus tard et déporté vers Sobibor, d’où il ne reviendra pas.

Hil MALACH, Juif déporté.
Hil MALACH et deux de ses enfants. Photo issue de l’ouvrage de Simon MASSBAUM, AVEYRON-DRANCY-AUSCHWITZ, AMDJA/FFDJF, 2022; page 514

Il y a Maximilien OKS, Juif allemand né en 1909, militant antifasciste réfugié en France, où il intègre un régiment tchécoslovaque. Démobilisé, il est incarcéré en 1940 à la prison militaire de Villefranche-de-Rouergue. Il est ensuite incorporé à un groupement de travailleurs étrangers de Capdenac-Gare, avant d’être transféré vers un camp répressif de l’Ariège, puis à Drancy, et finalement déporté vers le centre de mise à mort d’Auschwitz le 19 août 1942. Le 1er octobre, il est déclaré mort.

Il y a Victoria RIZOTTI née COHEN en 1915, installée à Marseille avec sa famille depuis 1918, puis à Lyon. Elle est recensée à Villefranche-de-Rouergue en 1941, rue du Marteau. Elle fuit vers Lyon mais est raflée et transférée à Drancy. Elle est assassinée à Auschwitz deux jours après son arrivée.

Il y a Berich ROSENBAUM, arrivé en France en 1933. Après avoir servi dans l’armée française, il est démobilisé. Son commerce à Lens est confisqué et liquidé. Il fuit vers Villefranche-de-Rouergue et prend une chambre à l’Hôtel Moderne, rue de la Pépinière. Le 20 février 1943, il est raflé par la gendarmerie, transféré à Drancy, puis est déporté à Sobibor, d’où il ne reviendra pas.

Il y a aussi les cinq membres de la famille STOCKI, persécutée et forcée à fuir l’Allemagne en 1938, direction l’Italie et Nice. La famille est placée sous surveillance et finalement transférée en Aveyron où elle est assignée à résidence dans différents hôtels de Villefranche-de-Rouergue. Les enfants sont inscrits à l’école communale. Leurs demandes d’émigration sont refusées et les hommes de la famille travaillent dans des usines villefranchoises. Après un transfert à Agde, l’ensemble de la famille est arrêté en 1942, puis déporté vers Auschwitz. Tous seront assassinés, trois jours seulement après leur arrivée.

Il y a Majlech SZWARCBART, d’origine polonaise né en 1923, installé à Paris où il travaille dans le textile. Réfugié en 1940 à Villefranche-de-Rouergue, il est employé par un tailleur de la rue de la République. Contraint par la préfecture il devient manœuvre terrassier. En résidence forcée rue Alibert, il est par la suite astreint aux chantiers ruraux à Lunac, à la réfection des routes. Expédié en plusieurs lieux du sud de la France, transféré à Drancy il est déporté vers Auschwitz le 30 mai 1944. Là, il est assigné tel un esclave à la construction de complexes militaires souterrains. Il meurt de fatigue quelques jours avant l’arrivée des troupes soviétiques.

NE LES OUBLIONS PAS.

Lire aussi : Eva Pourcel, Villefranchoise et Juste parmi les Nations

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