Francis Carco, de son vrai nom François Marie Alexandre Carcopino-Tusoli (1886-1958), est un célèbre poète, écrivain et parolier.
Né en Nouvelle-Calédonie, où son père (d’origine corse) travaille comme fonctionnaire, il y passe les cinq premières années de sa vie.
En 1891, son père est nommé en Métropole, d’abord à Châtillon-sur-Seine puis à Villefranche-de-Rouergue.
Francis Carco : un adolescent à Villefranche-de-Rouergue
Francis Carco arrive à Villefranche-de-Rouergue en 1901 : il a alors 15 ans. Sa famille s’installe au 31 de la rue de la République.
Son père, qui occupe un poste de conservateur des hypothèques, se montre dur et violent envers son fils.
Francis est turbulent, coureur de jupons, mais il sait se montrer romantique et amoureux. A Villefranche, il connaît une aventure sentimentale avec une certaine Denise.
Il fréquente Charles de Pomairols, le célèbre poète des Pesquiès (hameau de la commune de Villefranche-de-Rouergue), ainsi qu’Auguste Bénazet, écrivain de langue occitane qui le reçoit dans sa maison du quai du Temple.
En 1905, son père est muté à Rodez, ville où Francis restera deux ans. Là, Francis Carco s’éprend de Mme d’Odilia, de vingt ans son aînée.
1907 à 1910
Francis Carco fait plusieurs séjours à Agen, où il est surveillant durant 4 mois avant de se faire renvoyer par le proviseur, après avoir laissé sans surveillance les élèves dont il avait la charge.
Il séjourne aussi à Lyon et Grenoble, villes qu’il découvre en fréquentant surtout les mauvais quartiers.
C’est au cours de ces voyages qu’il rencontre les jeunes poètes qui fonderont avec lui, dès 1911-1912, l’École fantaisiste : Robert de la Vaissière (collègue au lycée d’Agen), Jean Pellerin, Léon Vérane, Tristan Derème, entre autres.
Francis Carco à Montmartre : le Lapin Agile
Francis Carco s’installe à Paris en 1910, et commence à fréquenter Montmartre.
Il se fait une place au cabaret du Lapin Agile après avoir été remarqué par le père Frédé (Frédéric Gérard), le maître des lieux.
Au Lapin Agile se côtoient les voyous, les “petites filles”, les rôdeurs, les amants, les artistes, les bohèmes et les anarchistes, dans une ambiance unique, bon enfant, joyeuse, créative mais aussi parfois violente.
Francis Carco y croise Pierre Mac Orlan, Maurice Garçon et Roland Dorgelès. Il se lie d’amitié avec Guillaume Apollinaire, Max Jacob, Utrillo, Gen Paul, Modigliani, Jules Pascin ou encore Paul Gordeaux.
Carco s’oblige parfois à sortir de ce tourbillon parisien pour visiter sa grand-mère à Nice.
A partir de 1913, il vit une intense relation amoureuse avec Katherine Mansfield, une écrivaine et poétesse néo-zélandaise. Carco parlera d’un “amour voué au désastre”, mais qui lui inspirera nombre d’œuvres tout au long de sa vie.
C’est à cette époque que Carco tentera un renouveau poétique en créant l’école fantaisiste avec les amis qu’il avait rencontrés en province.
A l’opposé de Stéphane Mallarmé, les fantaisistes refusent le symbolisme, le naturalisme et le positivisme. Ils prônent la fantaisie et le burlesque, adoptant des formes poétiques souples, rythmées, pouvant être chantées.
Entre sentimentalité, humour et mélancolie, les fantaisistes s’intéressent à la vie de tous les jours, aux expressions familières, et optent pour une grande liberté dans la manière d’écrire.
En 1911, Carco publie Instincts, une série de textes courts sur la vie parisienne et les cabarets.
En 1912, il publie le remarquable recueil La Bohême et mon cœur, qui sera inclus dans l’ouvrage Au vent crispé du matin (cliquez pour lire le texte entier).
Impression
Matin gris, paresse ingénue…
Sur l’horizon,
Les vieux noyers de l’avenue
Et le toit bleu de la maison.
Le vent berce les feuilles rousses
D’un peuplier.
On dirait qu’à brusques secousses
Il pleut soudain dans l’air mouillé…
Et rien n’est si doux, ni si triste
Que de savoir
Le vent d’automne qui persiste
À faire qu’il pourrait pleuvoir.
Carco bannit le verbiage, le clinquant, le faux lyrisme. Jusque dans ses poèmes les plus simples, on sent une sorte de tremblement, de sensibilité. Sa couleur est le gris, le gris des jours de pluie et des souvenirs.
En 1914, il publie un premier roman très remarqué : Jésus-la-Caille, histoire d’un proxénète homosexuel, véritable plongée dans le Paris interlope des années 1910.
Francis Carco est également critique artistique dans les revues L’Homme libre et Gil Blas.
Cette époque riche et insouciante s’achève brutalement en août 1914, date du déclenchement de la Première Guerre mondiale.
1914 : la mobilisation
Carco est mobilisé en novembre 1914 à Gray en tant qu’intendant des postes. Il prend l’habitude d’écrire des poèmes sur les enveloppes qu’il distribue aux soldats.
Ayant obtenu son brevet d’aviateur en 1916, il est incorporé à Avord, près de Bourges, puis à Étampes et Dijon. Blessé au genou, il volera peu et sera rapidement démobilisé.
De retour à Paris, il rencontre l’écrivaine Colette au journal L’Éclair en 1917. Leur amitié durera jusqu’à la mort de cette dernière. Ils prendront l’habitude de se retrouver pour des vacances en Bretagne.
L’entre-deux-guerres : la consécration
En 1922, Francis Carco publie son chef d’oeuvre L’Homme traqué (cliquez pour accéder au texte complet) distingué par le grand prix du roman de l’Académie française. Le roman raconte l’impossible amour d’une prostituée et d’un criminel en proie à sa conscience dans le Paris des années 1920.
Suivront plusieurs autres romans, dont certains connaîtront un grand succès :
- Verotchka l’étrangère ou le Goût du malheur (1923),
- Perversité (1925),
- Le Couteau (1925),
- Rue Pigalle (1927),
- etc.
Dans les années 1930, Carco publiera successivement :
- L’Ombre (1933),
- Brumes (1935),
- Ténèbres (1935),
- Blümelein (1937),
- L’Homme de minuit (1938),
- etc.
Il écrit aussi des livres de souvenirs, des reportages sur le “Milieu” (terme qu’il a inventé), des biographies romancées et de nouveaux recueils de poésie.
Il se réinstalle un temps au pied de la butte Montmartre.
En 1932, à l’occasion de conférences qu’il donne à Alexandrie, il tombe amoureux d’Éliane Négrin, épouse d’un riche égyptien et mère de trois enfants. Il quitte sa première femme (Germaine Jarrel) pour accueillir Éliane à Paris ; ils se marieront en 1936.
Carco est élu membre de l’académie Goncourt le 13 octobre 1937 au fauteuil de Gaston Chérau.
1940 : l’exil en Suisse
En septembre 1939, le couple emménage à L’Isle-Adam, avant de s’exiler à Nice puis en Suisse, Éliane Négrin étant juive.
En 1948, Francis Carco s’installe sur l’île Saint-Louis. Il continue à écrire des romans, des biographies, des pièces de théâtre et des chansons, dont certaines seront chantées par Edith Piaf, Yves Montand ou Georges Brassens.
Dans les années 1950, il fréquente principalement le quartier de Saint-Germain-des-Prés.
Carco meurt à son domicile du quai de Béthune, sur l’île Saint-Louis, le 26 mai 1958, à l’âge de 71 ans.
Le souvenir de Francis Carco à Villefranche-de-Rouergue
Pour l’adolescent Francis Carco, beaucoup de choses se sont jouées à Villefranche-de-Rouergue entre 1901 et 1905 : émancipation du carcan familial, premières amours, première rencontre avec de grands écrivains, premiers poèmes… Le jeune Francis se réfugie dans l’écriture pour fuir la violence de son père.
L’adolescent fréquentait le collège de la Douve, et c’est tout naturellement que le maire Robert Fabre baptisera plus tard le nouveau collège du Tricot “Francis Carco”.
Sans oublier que Francis Carco fut le président d’honneur de l’amicale des anciens du Collège (1939).
C’est en outre dans le Narrateur, journal villefranchois, que Francis Carco publiera deux de ses premiers poèmes.
Carco évoquera Villefranche à plusieurs reprises dans ses écrits, notamment dans Mémoires d’une autre vie (1934) et A voix basse (1938).
Sur la maison du 31 rue de la République, une plaque rappelle que Francis Carco a vécu là.
Bibliographie :
- Francis Carco, au cœur de la Bohème de J. Debu (1964)
- Le Paris de M’sieur Francis, Francis Carco, Gilles Freyssinet, Arcadia Editions
- Cliquez ici pour entendre “Chanson tendre” chantée par Francis Carco avec l’orchestre du Lapin Agile.
Il pleut (À Éliane)
Il pleut — c’est merveilleux. Je t’aime.
Nous resterons à la maison :
Rien ne nous plaît plus que nous-mêmes
Par ce temps d’arrière-saison.
Il pleut. Les taxis vont et viennent.
On voit rouler les autobus
Et les remorqueurs sur la Seine
Font un bruit… qu’on ne s’entend plus !
C’est merveilleux : il pleut. J’écoute
La pluie dont le crépitement
Heurte la vitre goutte à goutte…
Et tu me souris tendrement.
Je t’aime. Oh ! ce bruit d’eau qui pleure,
Qui sanglote comme un adieu.
Tu vas me quitter tout à l’heure :
On dirait qu’il pleut dans tes yeux.
Pour en savoir plus sur Villefranche et son histoire :
Société des Amis de Villefranche et du Bas-Rouergue
amisvbr {@} gmail.com
www.amis-villefranche.fr
09 67 56 70 10
Permanences le mercredi de 15h00 à 17h00 à la Maison des Sociétés, place Bernard-Lhez